Je ne sais pas vous, mais moi j'ai le sentiment que le conflit générationnel se creuse. Ce phénomène - ni nouveau ni spécifique à l'hexagone - prend une ampleur particulière en temps de "crise". A mon sens, l'utilisation abusive du terme "génération Y" et les généralités négatives qui vont avec ne font qu'envenimer ce problème, notamment dans les relations au travail. Décryptage.
Génération Y : utilisation justifiée ou abusive
La génération Y est l'appellation utilisée pour parler des jeunes qui ont entre 20 et 35 ans. Ce terme a plusieurs lectures possibles : une suite logique à la génération X qui l'a précédée, le "Y" que forme le fil des écouteurs sur le torse ou encore la prononciation anglophone du fameux "Y" ("why") qui signifie "pourquoi" (pour la génération qui veut tout comprendre). En France, elle représente 13 millions de personnes et formera en 2015 40% de la population active. Utilisée à tort et à travers, elle fait du tort à une jeunesse qui a du mal à se reconnaître derrière une simple voyelle, et en particulier pour définir son rapport au travail.
Il est indispensable d'aborder certains domaines avec une approche générationnelle. Que ce soit en sociologie pour analyser les spécificités d'une génération ou encore en démographie pour étudier l'évolution de la population. En marketing, on segmente une population : "pour vendre !" Jusque là je n'y vois pas d'inconvénients, si ce n'est la remise en questions des objectifs même du marketing, mais ce n'est pas le but de ce billet, et encore moins la vocation de ce blog. Malheureusement, beaucoup de clichés en découlent et tendent à nous stigmatiser au travers de nos habitudes de consommation : nous serions tous des ultras-connectés égoïstes, zappeurs, immatures et rebelles accrochés à nos écouteurs d'Ipod, impossible à manager.
Voici une vidéo qui présente, non sans humour et tendresse, les clichés qui caractérisent les "Y".
Génération Y from adesias. on Vimeo.
Si on peut aisément tomber d'accord sur les spécificités de notre génération liées à l'environnement dans lequel elle grandit et évolue (cf. mon article de bienvenue), il n'est pas aussi évident pour un jeune de se reconnaître dans le style de vie et de consommation qu'on lui attribue. Et cela devient carrément préjudiciable quand ça influe sur les relations inter-professionnelles.
Car les conséquences sont là, notamment dans notre douce France où les styles managériaux restent parfois un tantinet ancestraux, souvent basés sur une communication descendante et une autorité naturelle induite par le rapport à l'âge et au statut de supérieur.
Ces généralités ont des conséquences sur l'approche du management
Le blog de Thierry Heurteaux |
Je lis, notamment sur les blogs de consulting en solution RH, management, etc., des accroches comme "Comment recadrer un Y" qui nous présentent souvent comme des salariés rebelles et sans loyauté, voire fainéants ! Bien que l'écoute et le dialogue soient mis en avant (et ça reste un progrès dont il faut se réjouir), il y a deux choses qui me gênent, voire me mettent carrément en rogne !
La première, c'est le sous-entendu que tous les jeunes ont une attitude déroutante en entreprise. Je crois qu'il faut être très vigilants avec les tournures de phrase généralistes qui donnent une image négative de la jeunesse, creusant davantage le fossé entre les générations et justifiant le comportement de certains managers peu scrupuleux (car c'est quand même beaucoup plus simple de tirer sur les jeunes en les accusant de tous les torts sans se remettre soi-même en question !).
La deuxième, c'est de ne pas aborder la question de l'équité de l'ordre (et donc de la remise en question éventuelle d'une consigne). Par exemple, un manager a-t-il besoin d'imposer une tâche à son collaborateur pour asseoir son autorité ? Souvent dans ce genre de situation, même si elle est considérée comme chronophage ou improductive par le collaborateur, le managera l'imposera tout simplement. Si au contraire un dialogue était instauré, cela permettrait au collaborateur de défendre son point de vue, au duo d'enrichir mutuellement sa réflexion et de prendre une décision en tenant compte de l'ensemble des éléments disponibles. Cela renforcerait l'implication du collaborateur et le ferait monter en compétences. Qu'il soit jeune ou pas d'ailleurs.
La loyauté & l'estime à sens unique
En parallèle du soi-disant manque de loyauté des jeunes vis-à-vis de l'entreprise, on assiste à la montée de la précarité des contrats : 70% des nouveaux emplois ne sont pas des CDI. Le pacte qui unissait jusque là l'entreprise à son salarié est rompu. De la loyauté de qui voulez-vous parler ? Enchainement de stages peu ou non rémunérés, CDD sans fin… privés comme publics, les employeurs mettent les jeunes salariés en situation de précarité relative, sans que ça leur pose un quelconque problème éthique (la crise a bon dos).
Alors oui effectivement aujourd'hui on est quasiment en permanence en veille d'opportunités professionnelles, même en poste, mais c'est le contexte qui le veut, et non le "Y" sous prétexte que la loyauté serait absente de sa matrice de valeurs.
Réponse du blog Madmoizelle.com à l'Express |
Ce n'est pas pour rien que les jeunes français se sentent mal dans une société qui ne semble ni les écouter ni leur faire confiance. Car qu'il s'agisse de leurs responsables hiérarchiques, de la classe politique ou des médias de masse, tous tiennent un discours qui alimente leur peur de l'avenir et leur sentiment de solitude. En plus de leur reprocher le simple fait d'être jeune (problème propre à tout conflit générationnel).
Une société nouvelle à bâtir
Il devient urgent de remettre les modèles établis en question, de se délester des idées préconçues et des préjugés. Car dans un monde en profonde mutation, il est plus que jamais temps de réinventer les relations au travail et accorder plus d'écoute, de confiance et de respect aux nouvelles générations. Si les relations au travail changent, si les "Y" sont différents des "X", cela ne doit pas être perçu comme une menace mais plutôt comme une opportunité pour faire évoluer nos sociétés. Dans tous les cas, ce n'est certainement pas en évinçant les jeunes des processus de décision qu'on assurera un avenir prometteur à notre pays.
Enfin, je crois que si on ne peut pas imposer une définition à l'ensemble d'une génération, la mienne sera certainement capable de se rassembler autour d'une volonté commune : celle de donner un sens nouveau aux choses, de ne pas suivre les chemins tracés par les générations antérieures, afin de construire un monde nouveau. Dépêchons-nous... Car nous sommes (déjà) demain !
A bon entendeur...
Je trouve votre approche très intéressante et je crois vraiment que cette nouvelle génération arrive avec les bon outils et les bons comportements pour effectivement bousculer l'ordre établit et donner du sens pour construire un monde nouveau.
RépondreSupprimerLes entreprises sont devant un vrai challenge, à avoir négligé cette génération avec des stages à répétition, des contrats précaires, les conséquences sont là. il ne s'agit pas de relation de confiance mais plutôt d'une négociation permanente entre ce que veut l'entreprise et ce que veut le jeune Y. Ils sont adaptés au monde dans lequel ils ont grandit.
Merci pour votre message. En effet, un des challenges serait de trouver un équilibre dans la relation entreprise/salarié. Mais en période de crise et de fort chômage, quand la demande est supérieure, c'est forcément plus complexe. Mais comme vous le dites, cette nouvelle génération a surement les outils pour bousculer l'ordre établi : faisons lui confiance !
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimervotre approche est extrêmement précise,ou les "on dit" ont quasiment disparu.Les entreprises vont avoir effectivement à résoudre une équation difficile: attirer les talents nécessaires qu'on a précarisé tout de même pour pouvoir construire autre chose que le monde actuel artificiellement méritocratique( et officieusement médiocratique).
En tout cas,evincer les jeunes des procédures de décision:se tirer une balle dans le pied et se faire manger.