jeudi 19 décembre 2013

La Yump académie : un concept suédois pour favoriser l'entrepreneuriat dans nos banlieues

Pour bien commencer la semaine, je suis partie à la rencontre des académiciens – que l’on appelle des « Yumpers » -, et des équipes de la Yump académie.

Le concept ? 
Un dispositif d'accompagnement de porteurs de projets entrepreneuriaux dans les quartiers populaires, en l’occurrence pour cette première académie, dans le département de la Seine Saint-Denis. L'objectif étant à la fois social et business : en sélectionnant des projets d’entreprise à fort potentiel de croissance, le but est de créer de la valeur et de l'emploi dans des zones fortement touchées par le chômage (si beaucoup d'entreprises y sont basées, elles sont toutes hors-sol, c'est-à-dire qu'elles recrutent leurs collaborateurs en dehors du département).
Son originalité ? 
Une pédagogie participative basée sur des cours sous forme de courtes vidéos au ton humoristique qui optimisent la concentration des Yumpers. Des formations nomades chez les entreprises partenaires qui jouent le jeu du réseautage et du conseil personnalisé. Un système de scoring, pour valoriser la qualité du travail et le sérieux de chaque Yumper avec de beaux avantages à la clef, comme l'intégration d'un mentor au projet ou encore un coaching VIP. Enfin, Yump France initiateur de l’académie, participe au capital des meilleurs d'entre eux, et assure ainsi un accompagnement sur 5 ans.
Venue de Suède, l'académie Yump a lancé sa première promotion en octobre dernier. Rencontre avec Moussou et Amine, deux des vingt lauréats.


Moussou a 26 ans, elle est titulaire d'un master entrepreneuriat. Parallèlement à ses études, elle découvre le marché des cosmétiques ethniques et les méfaits du défrisage pour la santé, encore trop méconnus en France. Son projet ? Créer des produits bio pour le soin du cheveu et les commercialiser sur un site marchand. En plus de la vente de produits, un réseau social favorisera les échanges entre les utilisatrices et leur prodiguera des conseils de professionnels.
Amine a 25 ans et un master en web-marketing en poche. En CDI dès la fin de ses études, il intègre une agence en tant que chef de projet web où il travaillera 3 ans. Mais il avait déjà un projet en tête, celui d'ouvrir un restaurant autour de la semoule : produit phare du couscous - un des plats préférés des français - qu'il veut faire connaître à travers d'autres recettes.
C'est en découvrant la Yump Académie qu'il décide se lancer puisque celle-ci pouvait lui offrir ce dont il avait besoin : un accompagnement et un réseau.

Quel a été l'élément moteur pour vous lancer dans l'aventure de l'entrepreneuriat ?
Moussou : J'ai toujours eu envie d'entreprendre et mon idée germait depuis mon DUT. Le choix de la major entrepreneuriat m'a permis de commencer à travailler dessus dans le cadre de mes études. Le fait d'intégrer Yump à été un accélérateur : l'accompagnement qu'ils proposent est rassurant et limite les risques. J'aurai surement commencé par un emploi salarié et continuer de travailler sur mon projet en parallèle si je n'avais pas intégré l'académie.
Amine : Ca fait 2 ans que je travaille sur mon projet, et depuis septembre je suis à plein temps dessus. J'ai quitté mon emploi dans le cadre d'une rupture conventionnelle pour rejoindre la Yump. Mon objectif est de lancer le concept en 2014. J'espère convaincre des investisseurs et gagner des concours comme le grand prix des jeunes créateurs.  

Avoir intégré l'académie semble être un élément déterminant dans votre projet ?
Moussou & Amine : On ne se serait pas lancé tout de suite sans Yump. C'est un cadre stimulant et rassurant. Et ici, on n'est pas pris pour des fous ! On échange, la dynamique et la mixité du groupe nous stimulent, on se sent moins isolés et on avance plus vite. On nous fait travailler sur des détails cruciaux pour avancer et on nous donne les outils pour évoluer dans un environnement fortement concurrentiel. Les formations nomades nous mettent en contact avec des entreprises et développent notre réseau.
Amine : Après, 6 mois, c'est court. Le projet doit déjà être bien pensé pour pouvoir optimiser au maximum ce qu'on nous apporte et que l'accompagnement soit vraiment pertinent. Ce qui est notre cas.

Au-delà du projet que vous portez, qu'est-ce qui vous stimule au quotidien ?
Amine : La liberté, la possibilité d'exploiter ses compétences au maximum. On n'est pas cantonné à des directives et on peut laisser notre créativité s'épanouir. En entreprise, même dans le web où on est supposé être créatif, on applique toujours des process qui, en quelque sorte, nous brident. On reste des exécutants. Alors qu'en tant qu'entrepreneur, le maitre mot c'est l'innovation. Et puis on touche à tout : la finance, la communication, le marketing... En tant que salarié, on est cantonné à un domaine.
Moussou : La liberté. La possibilité d'exploiter au maximum ses compétences. Car même sur un poste à responsabilités on est limité à ce qu'on nous demande et on entre dans une forme de routine. D'ailleurs je pense que je m'épanouie davantage dans les petites structures, petit projet, où on peut apporter sa touche personnelle et être créatif.

Si je vous dis "valeur travail", ça vous inspire quoi ?
Moussou : C'est le socle ! Il faut être passionné et impliqué ! C'est pour ça que ça a beaucoup plus de sens pour moi de développer mon projet plutôt que d'être en entreprise.
Amine : Travailler n'est pas seulement exécuter, c'est réfléchir en permanence, rencontrer de nouvelles personnes. Il y a un aspect péjoratif derrière le mot "travail", mais quand on s'éclate, on n'a plus l'impression de travailler. En tant qu'entrepreneur, il n'y a pas de limite entre le travail et le reste, on est toujours dans l'action ou la réflexion. Et je ne veux pas commencer ma vie à 60 ans :-)


Que pensez-vous des discours sur l'entrepreneuriat en France ?
Moussou : Dans ma promo, notre major "entrepreneuriat" passait pour la bande des illuminés et des marginaux, alors qu'on était en école de commerce ! Beaucoup de gens n'osent pas : trop cher, trop risqué, pas assez de confiance en soi, etc. Et le discours est assez paradoxal : d'un côté on n'encourage pas l'entrepreneuriat et de l'autre on nous dit que quand on réussit, c'est génial !
J'ai même envisagé de partir à l'étranger pour développer mon projet si ça avait été trop complexe ici.
Amine : On ne favorise pas l'entrepreneuriat en France. Beaucoup de gens pensent que c'est difficile et préfèrent ne pas prendre de risque et renoncent à leur projet. On nous met dans un moule : il faut faire des études les plus longues possibles et trouver un travail. Je pense qu'il y a des choses à revoir dans le système éducatif et qu'il faudrait nous montrer davantage de success story dès le collège. Parce qu'on nous demande ce qu'on veut faire comme métier, mais pas ce qu'on veut créer.

Ou vous voyez-vous dans 5 ou 10 ans ?
Moussou : Je me vois voyager dans le monde avec mon projet, animer des conférences sur la cause que je défends. Et avoir des boutiques un peu partout.
Amine : J'aimerais être la référence de la semoule, pourquoi pas à l'international, et devenir mentor à mon tour pour renvoyer l'ascenseur.


Moussou & Amine ont joué le jeu du questionnaire à la manière de Proust, mais adapté au travail... Et en vidéo !


Yump académie from Emilie Court on Vimeo.

Merci à eux pour cet échange, on prendra des nouvelles de leur projet respectif !
En attendant, pour en savoir plus sur Yump et ses académiciens, c'est par ici.



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