Guilhem, c'est un ami de promo avec qui j'ai toujours aimé travaillé ; et quand on a passé ses études à travailler en groupe, on mesure à quel point c'est rare et appréciable !
Au milieu du stéréotype de l'étudiant d'école de commerce, il se différenciait par sa simplicité, son authenticité et des valeurs déjà bien ancrées pour un "petit jeune", comme disent les "plus vieux". Il avait toujours des tas d'idées et on pouvait vraiment compter sur lui. Je le voyais déjà entrepreneur, sur des projets un peu fous et surtout, qui lui ressemblaient.
Alors quand il m'a parlé de son projet de collectif touristique équitable, je me suis dis qu'il fallait que je vous le présente, que vous connaissiez un peu mieux ce personnage expatrié au Vietnam depuis la fin de nos études... J'espère que comme moi, il vous inspirera !
Salut Guilhem, raconte-nous un peu ton parcours jusqu'à maintenant ?
Après
le Bac, je suis entré dans une école de commerce à Bordeaux. Le
cursus m’a amené à faire en 2005 un stage au
Vietnam, où je me suis installé dès mon diplôme en poche. J’y
travaille depuis dans le tourisme. J’ai commencé par le tourisme
moto, puis je me suis spécialisé dans le tourisme responsable
et de son application globale.
Faire
une école de commerce ça t'a apporté quoi ?
En
termes de compétences, l’école de commerce m’a apporté de la
diversité. On touche à la gestion, au marketing, à la vente, aux
langues étrangères et au développement stratégique. Humainement,
faire ce cursus m’a apporté aussi beaucoup. Des voyages, des amis,
des montages de projets, etc.
Travel
Activists, ça fait un moment que ça me trottait dans la tête.
L’envie de faire et proposer un tourisme qui colle à ma
personnalité et ma conception du voyage. L’idée initiale est
venue d’un constat : le business du management de destination
touristique est aujourd’hui détenu par des grosses boîtes qui
travaillent comme des supermarchés. Elles ne parlent que de
profitabilité et exploitent les petits entrepreneurs qui créent des
services super sympas d’hébergement, de restauration, d’activités.
Or ces boîtes qui brassent énormément d'argent n’apportent pas
de vraie valeur ajoutée au produit touristique final. L’idée
était donc de monter ces petits prestataires de services en un
collectif ou un réseau et de travailler de manière plus équitable.
Je
me lance la dedans avec un ami français qui bosse au Vietnam depuis
une bonne douzaine d’années, dans le tourisme aussi.
As-tu
toujours eu cette envie d'entreprendre ?
J’aime
entreprendre. J’ai toujours eu des idées, pleins d’idées. Mais
il faut que les conditions soient réunies pour se lancer dans une
entreprise. Avoir un back-up en quelque sorte. Au Vietnam, pas
d’indemnités chômage, pas d’aide à la création d’entreprise,
pas de subventions, etc. Si tu te plantes, financièrement tu peux
vite être dans la merde.
Après
d’où vient l’envie d’entreprendre, je ne sais pas. Peut-être
du besoin d’exprimer sa vision des choses. L’entreprise est un
super moyen d’expression.
Si
tu n'avais pas eu cette idée, que ferais-tu aujourd'hui ?
Je
serais toujours en train de bosser pour un patron. Ou peut-être que
j’aurais monté une sandwicherie (un délire que je réaliserai un
jour, c’est sûr).
Te
projettes-tu dans l'avenir ?
Dur à dire. Le Vietnam est un pays qui évolue et change vite.
J’aimerais bien que Travel Activists fasse son chemin, et pourquoi
pas un jour exporter le concept sur d’autres pays.
Etre
heureux au travail, c'est quoi selon toi ?
Aimer
ce qu’on fait, évidemment. Et puis aimer les gens avec qui on
travaille. Avoir le sentiment de faire les choses bien.
Pour
moi c’est la famille et les potes d’abord et ça le sera
toujours. Je ne conçois pas les journées de travail de 12h. Je ne
comprends pas les gens qui placent leur performance pro tout en haut
de leur pyramide. Même s’ils ont certainement leurs raisons. Le
boulot sert le reste. Je veux être heureux au travail et
réussir ce que j’entreprends, mais je sais ce que je suis prêt à
engager et les sacrifices que je ne ferai jamais.
Qu'est-ce
qui te stimule au quotidien ?
Le
thé vert. J’en bois pas loin de deux litres par jour !
Sinon ce sont mes idées, mes projets ; les discussions avec les amis, les voyageurs ; et puis mes deux petites filles qui me rappellent en permanence que ce que je fais, je ne le fais pas uniquement pour moi.
Sinon ce sont mes idées, mes projets ; les discussions avec les amis, les voyageurs ; et puis mes deux petites filles qui me rappellent en permanence que ce que je fais, je ne le fais pas uniquement pour moi.
Qu'est-ce
qu'un bon leader selon toi ?
Pour
moi un bon leader c’est quelqu’un qui est d’abord écouté et
respecté pour sa compétence. Après le cliché du meneur d’hommes
braillard et autoritaire, ça ne m’intéresse pas. L’important
c’est le résultat, chacun a sa manière de faire et devra savoir
l’adapter à son audience. On le voit beaucoup chez les guides. Ils
ont leur manière à eux de gérer un groupe. Les meilleurs sont ceux
qui adaptent leur discours et leur ton selon la personnalité des
voyageurs qu’ils accompagnent.
Que
penses-tu de notre génération et de l'époque dans laquelle elle
doit s'insérer dans le monde du travail ?
J’ai
l’impression qu’on est une génération qui a des idées et qui
surtout dispose de moyens nouveaux pour les faire vivre et les
propager. On a une ouverture sur le monde exceptionnelle. On voyage
mais on découvre aussi différentes cultures facilement en restant
assis devant un écran. L’époque selon moi est à la mobilité. Il
est devenu tellement facile de s’expatrier, du coup les
opportunités de travail sont décuplées. Dans tous les domaines et
pour toutes les compétences, si la demande n’existe pas à côté
de chez vous, il y a de fortes chances pour qu’elle existe
ailleurs.
Que
penses-tu du regard que les autres générations, le gouvernement et
les médias portent sur les jeunes aujourd'hui ?
Difficile
à dire depuis le Vietnam. Je ne me rends plus trop compte de la
situation en France et surtout ne la vis pas au quotidien. J’imagine
qu’on compte sur les jeunes (y a des retraites à payer). Après la
tradition veut que les plus anciens portent un regard très critique
sur les plus jeunes. Ça a toujours été comme ça je crois et ça
le sera encore. Le fameux « de mon temps » n’est pas
prêt de disparaître.
Quels
sont, selon toi, les principaux avantages à être un jeune
aujourd'hui ?
Cette
ouverture sur le monde est un avantage. Le confort de vie aussi.
Après la réussite sociale et professionnelle me paraît plus
compliquée qu’avant. Paradoxalement il y a des opportunités plus
nombreuses, mais le chemin qu’elles proposent semble plus tortueux
et la chance d’arriver au bout plus faible.
Plus
globalement, quels sont les principaux enjeux de notre époque selon
toi ? Par quoi te sens-tu le plus concerné ? Et quel rôle
avons-nous à /pouvons-nous jouer ?
Il
y a deux choses aujourd’hui qui me font flipper. La situation
environnementale dans laquelle on est en train de se mettre. Et
« l’abrutisation » des peuples par les médias et les
classes dirigeantes. Que faire… ? De l’activisme, dans tous
les domaines. Nous on s’occupe du tourisme.
As-tu
déjà travaillé en France ? Quelles sont les grandes
différences entre la France et le Vietnam selon toi ? D'abord
en tant que salarié, puis en tant qu'entrepreneur ?
J’ai
très peu travaillé en France. En tant que salarié, la grosse
différence se situe au niveau des garanties sociales. Les avantages
sociaux perçus en France sont juste énormes. Ça fait marrer pas
mal de monde par ici quand on explique que les salariés français
font grève pour telle ou telle raison. En tant qu’entrepreneur, la
vie est beaucoup plus facile au Vietnam. Moins de réglementations,
moins de taxes, moins de surveillance. On est très libre. Tout ça
est finalement assez paradoxal dans une république socialiste.
Quelle
image as-tu de la situation des jeunes en France ?
Pour
être franc, ma vision des jeunes en France se limite à celle de mes
potes et de ma famille. Ça va plutôt bien, tout le monde s’en
sort, c’est parfois dur mais encore une fois il y a un vrai confort
de vie.
Au
Vietnam, la jeunesse est à multi-vitesses avec des écarts énormes.
Le premier fossé se situe entre la ville et la campagne. Après en
ville on va du gosse de riche qui roule en Porsche au cireur de
chaussures. La galère n’est pas la même pour tous.
Projettes-tu
de revenir en France ? Et pour y faire quoi ?
Peut-être,
on ne ferme pas la porte. Si on rentre avec ma femme, on se lancerait
certainement dans la création d’un resto Viet. Mais quelque chose
d’authentique et original. Un lieu de dépaysement. Pas un truc
kitchos avec des samoussas et du riz cantonnais.
A la manière de Proust, quelques questions sur ton rapport au travail :
Ta vertu préférée : l’intégrité
La qualité que tu préfères chez un(e) collaborateur(rice) : la conscience professionnelle
Ce que tu apprécies le plus chez les gens avec qui tu travailles : leur amour du truc
Ton principal défaut : je me lasse vite
Le don que tu aurais aimé avoir : celui de parler toutes les
langues
Le rêve que tu aimerais réaliser : ne plus avoir besoin de
travailler et pouvoir profiter de la vie le plus tôt possible
Ton modèle : personne en particulier
L'entreprise que tu aurais aimé avoir créée : la toute
première entreprise de tourisme au Vietnam, les pionniers quoi.
Ce qui t'inspire : mes potes et internet